Ne serait-il pas possible de donner du volume à nos définitions du développement durable en essayant d'approfondir notre compréhension des termes développement et durable (parfois, on trouve « soutenable », de l'anglais sustainable) ?
Quand on fait l'effort de développer son propos, par exemple, cela signifie qu'on le déploie et qu'on le déplie afin qu'il présente le moins possible d'impensé, de sourd, d'obscur ou de confus.
On parle aussi du développement d'un enfant pour dire qu'il grandit et mûrit. En ce sens, on dit que le bouton se développe en fleur, qui se développe en fruit, puis qui devient semence, laquelle, une fois enfouie dans la terre, donne un nouveau plant, etc. Ce dernier exemple montre qu'il y a solidarité entre développement et enveloppement, le nourrisson se développe par enveloppement (dans les bras, les langes, etc). On pensait aussi autrefois que les morts renaissaient, d'une manière ou d'une autre, des enveloppements qu'on avait soin de leur procurer – bandelettes des momies des anciens Égyptiens, urnes funéraires, suaires, tombes.
Ce qui importe, c'est de comprendre le lien nécessaire entre développement et durée. Car, enfin, on ne parlera jamais de durée pour désigner une suite d'instants qu'on alignerait comme autant de points. Dans l'Essai sur les données immédiates de la conscience – où il se soucie de penser le temps –, le philosophe Henri Bergson (1859-1941) nous demande de réfléchir sur ce qu'est une mélodie. Dans une mélodie, il y a des notes, mais ces notes ne se suivent pas à la queue leu-leu, elles se mêlent, s'entrecroisent, reviennent sur les autres et sur elles-mêmes, forment des boucles et concertent. Nous ne pourrions pas entendre une mélodie si nous ne tenions activement ensemble les perceptions de plusieurs notes mémorisées.
Ce qui signifie que tout ce qui dure n'obéit pas à la loi du progrès, selon laquelle le présent remplace le passé pour être à son tour remplacé par le futur, sur le mode d'un empilement de couches successives, pour ainsi dire géologiques. Ce qui dure n'est pas minéral, mais vivant : c'est une affaire de générations dans laquelle chacune, poussée vers son avenir, est actuellement féconde de son passé.
Le développement durable pourrait avoir pour emblème la belle image de l'Angelus novus de Paul Klee (1920), louée et commentée par Walter Benjamin dans les Thèses sur le concept d'histoire, qui paraît représenter un mouvement vers l'avenir qui ne se résout pas à tourner le dos au passé.
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